Hosting – Accueillir le propriétaire

20.10.2017 | Utilisation | Personnel

Le développement de la politique d’accueil des bibliothèques publiques au Danemark

Béatrice Perret Anadi est la directrice-adjointe de la Bibliothèque de la Ville de Bienne depuis le 1er février 2013. Elle a travaillé comme responsable de la lecture publique et des acquisitions à la Bibliothèque de la Ville de La Chaux-de-Fonds. Auparavant, elle a collaboré quelques années à Stadtbibliothek Winterthur. Elle est spécialisée dans le domaine des e-books en bibliothèque publique.
Durant des siècles, les bibliothèques ont été centrées sur les collections. Aujourd’hui, elles optent davantage pour une orientation client.

Lors d’un voyage au Danemark, organisé par l’association professionnelle SAB/CLP, un groupe de bibliothécaires suisses est allé de découverte en découverte au pays d’Andersen. Axé sur les bibliothèques publiques, ce périple nordique nous a révélé de nouvelles conceptions du service « bibliothèque », de la fonction du bibliothécaire et de la place du citoyen-utilisateur de la bibliothèque.
 
D’emblée, il faut noter qu’au Danemark la bibliothèque fait partie de l’offre culturelle de base que toute commune est tenue de fournir. Elle est pensée comme un endroit où le citoyen trouve de l’information mais aussi des possibilités de rencontres. Pour preuve de l’importance de l’aspect social, la grande table à disposition dans toutes les bibliothèques, parfois même avec un coin cuisine.
 
Le taux de fréquentation des bibliothèques au Danemark est de 57%[1], de quoi nous faire pâlir d’envie ! La carte de bibliothèque est aussi la carte de sécurité sociale. Ou vice-versa. C’est dire que la bibliothèque fait absolument partie des prestations de base de l’Etat envers ses citoyens.
 
Un engagement personnel impressionnant
Au sein du réseau des bibliothèques publiques de Aalborg, une politique active d’accueil a été mise en place. Nommée Hosting, cette politique définit l’attitude des bibliothécaires et les actions entreprises chaque jour pour accueillir les différents publics.  Ici, tous les visiteurs sont considérés comme les propriétaires des lieux ! Ce sont par leurs impôts que la bibliothèque est financée. Les bibliothécaires sont les gestionnaires des espaces et des contenus et doivent être des facilitateurs.
 
Se sentir comme à la maison
 
Chaque matin, l’équipe passe en revue les événements et activités de la journée. Selon l’actualité, on décide quelles collections seront mises en avant ; les bibliothécaires parleront de ces documents aux visiteurs. Les objectifs du jour ou du mois sont fixés. A côté du prêt de livres, la bibliothèque propose de multiples services tels que ateliers créatifs, visites, formation aux outils numériques, vente de tickets pour les événements de la région, makerspace pour les jeunes, consoles de jeux etc. Les bibliothécaires sont capables et formés pour accompagner les utilisateurs de 0 à 99 ans dans ces diverses activités.
 
L’état d’esprit est tourné vers l’accueil. Le mot d’ordre transmis par la responsable à ses équipes est « Pense comme un visiteur, agis comme un maître d’hôtel ». C’est-à-dire, mets-toi à la place de la personne qui entre à la bibliothèque et vois toutes choses selon son angle de vue. Et parallèlement, considère toute personne comme un invité de marque que tu veux satisfaire au mieux.
 
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La politique d’accueil des bibliothèques publiques d’Aalborg résumée en quelques mots

L’exercice est exigeant, il requiert de personnaliser la relation et d’accorder temps et attention au citoyen.  Selon la responsable, l’effort quotidien est élevé mais le résultat est valorisant pour tous (visiteurs et personnels) et les statistiques de prêt et de fréquentation prennent l’ascenseur.
 
Dress code
L’attitude du personnel est formalisée par des standards de qualité. A l’instar d’autres métiers  d’accueil, les règles de relations interpersonnelles sont définies. De même, la tenue vestimentaire est fixée par un dress code, ce qui permet au public d’identifier les employés. Les bibliothécaires portent un T-shirt ou un gilet noir et un porte-clé coloré autour du cou :
 
Dress Code Homme/Femme pour l’été et l’hiver
 
Qu’il traverse la bibliothèque ou qu’il soit au bureau des renseignements, le personnel est prioritairement disponible pour le public et peut être interpellé à tout moment. Dans nos contrées, le dress code pourrait être ressenti comme contraignant par les bibliothécaires, toutefois il est établi qu’il renforce le sentiment d’appartenance du personnel à l’entreprise et qu’il facilite indiscutablement l’orientation des visiteurs.
 
Fonctions du bibliothécaire
Cette grande disponibilité envers le public demande du temps. Dans les bibliothèques visitées, le personnel passe davantage de temps avec le public (front office) que dans les bureaux (back office).  Au Danemark, les tâches de sélection, acquisition, catalogage, équipement sont centralisées. Les livres arrivent entièrement traités dans les bibliothèques du réseau et sont directement disponibles pour le prêt. Le système de gestion (LMS) permet non seulement d’identifier dans quelle bibliothèque se trouve le livre mais également de signaler les rayonnages trop pleins ou trop vides dans telle ou telle bibliothèque et de réacheminer les collections de manière équilibrée. Il convient tout de même de mettre un bémol à cette organisation par le constat de l’uniformité des collections. On trouve un peu partout la même chose et les livres, dont la majorité est reliée, ont une allure standardisée.
 
Four Spaces model
Issu des réflexions de professeurs de la Royal School of Library and information science de Copenhague ce modèle rencontre un écho international. Il propose de diviser le lieu bibliothèque en quatre espaces correspondant aux besoins des visiteurs. The inspiration space, the learning space, the meeting space and the performative space
 
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De l’espace pour les ateliers et animations

L’objectif est de répondre aux besoins d’innovation, d’expérimentation, de développement et de reconnaissance et d’engagement des citoyens. Le Danemark a créé un programme autour de ce modèle et l’applique à toute nouvelle bibliothèque (par exemple la DOKK). Par ailleurs, il encourage les bibliothèques existantes à la transition vers leurs nouvelles missions en lien avec l’évolution des technologies et de la société.
 
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Les bibliothèques danoises sont chargées de réduire la fracture numérique afin que chaque
citoyen puisse communiquer convenablement avec les autorités et l’administration.
 
Heures d’ouverture
Une bibliothèque magnifique et bien achalandée perd en rayonnement et son utilité est remise en question si elle n’est pas ouverte suffisamment au public. Comme mentionné plus haut, au Danemark la bibliothèque appartient au citoyen. Chacun peut y venir (presque) à toute heure. Avec le personnel – sans le personnel ; deux types d’heures d’ouverture sont en vigueur (10-18h et 8-21h). Imaginez, après 18h le personnel s’en va mais la bibliothèque reste accessible aux inscrits à la bibliothèque, dont la carte permet d’ouvrir la porte d’entrée. Aux inévitables questions sur la déprédation, le vol, les incivilités etc. les bibliothécaires répondent qu’il  n’y a pas de problème majeur. Une autorégulation se crée entre les usagers. La société danoise est respectueuse du bien commun. Si certaines grandes bibliothèques ont un système de vidéo surveillance à l’entrée et éventuellement un vigile, plusieurs bibliothèques de quartiers s’en passent et font confiance à la communauté des utilisateurs, qui bénéficie des espaces de la bibliothèque le soir, que ce soit pour un cours de yoga, pour utiliser internet ou pour lire le journal. Et bien sûr, il est en tout temps possible de rendre ou d’emprunter des livres, films ou CD à l’aide de l’automate RFID.

Une bibliothèque est le reflet de la société qui l’entoure et du soutien politique qu’elle reçoit. Des nombreuses actions découvertes aux Danemark, toutes ne sont pas immédiatement applicables en Suisse. Toutefois, l’état d’esprit de disponibilité, de cordialité et de service peut sans conteste nous inspirer.

Béatrice Perret Anadi
Directrice adjointe de la Bibliothèque de la Ville de Bienne
 
Beatrice.perretanadi@bibliobiel.ch
032 329 11 43

 
 
[1] Quick, Prior, Toombs, Taylor et Currenti (2013) : Enquête paneuropéenne destinée à évaluer les perceptions des utilisateurs à l’égard des avantages liés aux technologies de l’information et de la communication dans les bibliothèques publiques (commandée par la Bill & Melinda Gates foundation – [fondation Bill-et-Melinda-Gates])
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